Egaré sur une île irlandaise, à la dérive sur son esquif chavirant, je surpris à travers le vent la forme spectrale d’Alamanon. Ce fantôme aux dents longues récitait des mots pour faire des phrases d’amour ; Dans la nuit, il hurlait des étoiles loufoques et des anglicismes baragouinés.
Mais quand la tempête de bruines et d’étrangers secoua ses plumes et ses voiles, des pensées en poussière effleurèrent, elles laissèrent apparaître des arbres à la folie, des coléoptères carabinés et des cavernes rétro-éclairées. En un clin d’œil patibulaire, l’ombre qui orchestrait ce spectacle surnaturel disparut à la surface de la mer.
Dix années écrabouillées passèrent après cette ballade en eaux troubles, je devins un autre et toujours le même, et j’aperçus Alamanon en chair et en os qui divaguait entre les villes et les airs climatiques de la poésie.
Tsigane un jour et marabout le lendemain, la tête pleine de déesses et d’amis, il avait huit forêt grasse entre les mains, pour dormir debout sur les ritournelles de l’arbre aux papillons.
"Papillons et forêts grasses" par Arthur Vailhé