Ismaël dit que je suis trop dur avec les autresEt qu’un jour à leur tour ils se vengeront surMoi, qui ne veux pourtant rétablir que les fautesEt lancer à mon tour mes chaussures, sur leurs côtes. Alors, quand le grand boss se ramène plein de morgueOu de naïveté feinte, fausse politesse,Pour offrir sa bouteille à celui qui sans orgueSait bien trouver son eau à la source et le resteIl me dit « à ton poste en silenceGarde ton job et ta science. » « Je suis vieux, j’ai vécu, je me fous de leurs mœursÇa fait trente ans que je bosse ici à la plongeDe cette cantine, et que toujours les nouveaux directeursSe succèdent et se mentent, alors songe que ces seigneurs Je les connais comme je connais le MarocL’Italie, la Sicile, et quand je communiqueAvec toi dans ta langue pour celui qui m’provoqueJe suis sourd, je suis muet, car ces cons ils m’expliquent,Comment on travaille bien que jeSois dans ces murs le plus vieux ! » Mais, Ismaël pourquoi on te laisse solitaire ?Aujourd’hui, à ton poste, il y a besoin de deux personnes.Toutes ces assiettes à laver encore, ces couvertsCes plateaux, ces bols, ces ustensiles et ces verres ! Tu ne peux pas être au four et puis au moulin,Au cul et à la gueule de ce lave-vaisselle.Comment gérer ce tapis roulant à deux mainsD’un coté le propre et de l’autre la poubelle ?Pas besoin d’avoir un bac ou trois,Pour comprendre qu’on ne peut pas ! Vous pouvez vous bercer, vous mentir, étudiant.Fils à papa, maman, qui toujours en retard,Rend son plateau sans songer que passe le tempsEt qu’autour de vous dansent les balais vivants. On en voit même faudrait la chandelle, je vous jureTandis que l’eau du lave vaisselle se dépense ;Que la grande gueule attend leurs deux trois ordures ;Ils sont là suffisants, ils digèrent et ils pensent :Qu’ici ces messieurs sont des clientsDans une cantine d’étudiants ! Alors avec Ismaël on se regarde, et on ritDe ces braves qui demain seront nos directeurs ;De ces braves qui ont tellement déjà d’mauvais plisDe ceux qui n'ont encore jamais gagné leur vie De ces braves qui nous f’rons des sermons sur l’hygièneDes études à n’en plus finir, et sans aucune bactérieDe ces idiots béats devant des lois pérennesQuand dans l’instant un homme est solitaire l’ami :Sur un poste où on ne peut pasMême en ayant un bac ou trois.